Gilles Dormion Jean-Yves Verd’hurt

Le revêtement de la pyramide de Mykérinos

civilisation pharaonique : archéologie, philologie et histoire

Le 11 décembre 2001


Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, Le revêtement de la pyramide de Mykérinos

Les pyramides de l’Ancien Empire étaient généralement recouvertes d’un revêtement de calcaire blanc de Tourah. La pyramide de Mykérinos se distingue par un revêtement de granite d’Assouan qui, de nos jours, subsiste sur le quart de sa hauteur environ. La face externe de ce revêtement est brute, le ravalement n’ayant été ébauché qu’en certains points. Cet inachèvement, ainsi que le recours partiel à la brique crue dans le temple haut, sont symptomatiques d’une finition hâtive probablement liée à une mort prématurée du pharaon.
En mai 1993, dans les décombres accumulés à la base de la pyramide, nous avons trouvé de nombreux fragments de calcaire blanc. Les faces planes de nombreux fragments présentent des résidus de couleur rouge ; certains fragments possèdent deux faces planes formant l’angle caractéristique de la face externe du revêtement (51° 20’) ; les résidus de couleur sont toujours présents sur les fragments présentant cet angle caractéristique.
Nous avons remis, pour analyse, des échantillons au laboratoire du musée du Caire, alors dirigé par le docteur Shawki Nahkla, directeur du service de Restauration et de Préservation des antiquités égyptiennes. Ces analyses ont mis en évidence la composition chimique de ces résidus colorés. Celle-ci (FE2 O3) correspond à l’hématite rouge, composant d’une peinture couramment employée sous l’Ancien Empire.
On pourrait donc supposer que la partie supérieure du revêtement fut réalisée, non pas en granite, mais en calcaire peint : supposition compatible avec les descriptions antérieures à la destruction du revêtement. « les côtés de la base avaient 300 pieds et les faces, jusqu’à la quinzième assise, étaient de pierre noire semblable à la pierre de Thèbes. Tout le reste devait être de la même pierre que les autres pyramides… » (Diodore de Sicile, Ier siècle av. J.-C.).
À noter que si la partie supérieure du revêtement était restée blanche, la pyramide de Mykérinos eut été stipulée « bicolore », ce qui n’a jamais été le cas. « Et l’on commença par la pyramide rouge, qui est la troisième des grandes pyramides et la moins considérable » (Abd El-Latif, 1162-1231). « La porte de la pyramide colorée… », « Dans la pyramide peinte… », « Sur la pyramide peinte… », « l’esprit de la pyramide peinte… » (Maqrizi, 1360-1442)

L’existence de ces fragments de revêtement de calcaire peint nous conduit donc à formuler l’hypothèse suivante : Mykérinos aurait eu l’intention d’édifier une pyramide de dimension plus modeste que celles de ses deux prédécesseurs, mais entièrement revêtue de granite. La mort prématurée du pharaon aurait conduit son successeur à terminer les travaux à la hâte et à l’économie, employant de la brique crue pour achever le temple haut et du calcaire peint en fac-similé de granite pour la partie supérieure du revêtement de la pyramide. (Corollaire : André Pochon a tenté de démontrer que les pyramides de Khéops et de Khéphren auraient été peintes en rouge. Or le fait que la pyramide de Mykérinos semble avoir été effectivement peinte, et nettement différenciée comme telle par les chroniqueurs anciens, va à l’encontre de cette hypothèse) •

a. Fragments de calcaire avec résidus de couleur à base d’hématite rouge. Photo Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, tous droits réservés. b. Fragments de calcaire avec résidus de couleur à base d’hématite rouge. Photo Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, tous droits réservés.

c. Revêtement de granite brut de pose (non ravalé). Photo Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, tous droits réservés.

d. Fragment de calcaire blanc du revêtement dont l’angle de 51° 20’est identique à celui de la pyramide. Photo Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, tous droits réservés.

e. Fragment de calcaire avec résidus de couleur à base d’hématite rouge. Photo Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, tous droits réservés.

 
gilles dormion jean-yves verd'hurt

le revetement de la pyramide de mykerinos

civilisation pharaonique: archeologie, philologie et histoire

le 11 decembre 2001



a. fragments de calcaire avec residus de couleur a base d'hematite rouge. photo gilles dormion et jean-yves verd'hurt, tous droits reserves.

b. fragments de calcaire avec residus de couleur a base d'hematite rouge. photo gilles dormion et jean-yves verd'hurt, tous droits reserves.

gilles dormion et jean-yves verd'hurt, le revetement de la pyramide de mykerinos

les pyramides de l'ancien empire etaient generalement recouvertes d'un revetement de calcaire blanc de tourah. la pyramide de mykerinos se distingue par un revetement de granite d'assouan qui, de nos jours, subsiste sur le quart de sa hauteur environ. la face externe de ce revetement est brute, le ravalement n'ayant ete ebauche qu'en certains points. cet inachevement, ainsi que le recours partiel a la brique crue dans le temple haut, sont symptomatiques d'une finition hative probablement liee a une mort prematuree du pharaon.
en mai 1993, dans les decombres accumules a la base de la pyramide, nous avons trouve de nombreux fragments de calcaire blanc. les faces planes de nombreux fragments presentent des residus de couleur rouge; certains fragments possedent deux faces planes formant l'angle caracteristique de la face externe du revetement (51° 20'); les residus de couleur sont toujours presents sur les fragments presentant cet angle caracteristique.
nous avons remis, pour analyse, des echantillons au laboratoire du musee du caire, alors dirige par le docteur shawki nahkla, directeur du service de restauration et de preservation des antiquites egyptiennes. ces analyses ont mis en evidence la composition chimique de ces residus colores. celle-ci (fe2 o3) correspond a l'hematite rouge, composant d'une peinture couramment employee sous l'ancien empire.
on pourrait donc supposer que la partie superieure du revetement fut realisee, non pas en granite, mais en calcaire peint: supposition compatible avec les descriptions anterieures a la destruction du revetement. "les cotes de la base avaient 300 pieds et les faces, jusqu'a la quinzieme assise, etaient de pierre noire semblable a la pierre de thebes. tout le reste devait etre de la meme pierre que les autres pyramides…" (diodore de sicile, ier siecle av. j.-c.).
a noter que si la partie superieure du revetement etait restee blanche, la pyramide de mykerinos eut ete stipulee "bicolore", ce qui n'a jamais ete le cas. "et l'on commenca par la pyramide rouge, qui est la troisieme des grandes pyramides et la moins considerable" (abd el-latif, 1162-1231). "la porte de la pyramide coloree…", "dans la pyramide peinte…", "sur la pyramide peinte…", "l'esprit de la pyramide peinte…" (maqrizi, 1360-1442)

l'existence de ces fragments de revetement de calcaire peint nous conduit donc a formuler l'hypothese suivante: mykerinos aurait eu l'intention d'edifier une pyramide de dimension plus modeste que celles de ses deux predecesseurs, mais entierement revetue de granite. la mort prematuree du pharaon aurait conduit son successeur a terminer les travaux a la hate et a l'economie, employant de la brique crue pour achever le temple haut et du calcaire peint en fac-simile de granite pour la partie superieure du revetement de la pyramide. (corollaire: andre pochon a tente de demontrer que les pyramides de kheops et de khephren auraient ete peintes en rouge. or le fait que la pyramide de mykerinos semble avoir ete effectivement peinte, et nettement differenciee comme telle par les chroniqueurs anciens, va a l'encontre de cette hypothese) •


c. revetement de granite brut de pose (non ravale). photo gilles dormion et jean-yves verd'hurt, tous droits reserves.

d. fragment de calcaire blanc du revetement dont l'angle de 51° 20'est identique a celui de la pyramide. photo gilles dormion et jean-yves verd'hurt, tous droits reserves.

e. fragment de calcaire avec residus de couleur a base d'hematite rouge. photo gilles dormion et jean-yves verd'hurt, tous droits reserves.