Le temple d'Amon à Karnak, tel que le visitent aujourd'hui des milliers de touristes,
est le plus grand sanctuaire religieux conservé d'Égypte. Pourtant, notre connaissance
de son origine et de son développement reste très lacunaire, en dépit de deux
siècles de recherche archéologique française.
En 2002, l'exhumation fortuite de nouveaux vestiges en brique lors de l'étude
des soubassements sur les édifices du Nouvel Empire a relancé le débat sur son origine.
Ce fut le départ d'une opération archéologique et géomorphologique de grande ampleur
menée par une équipe de recherche pluridisciplinaire. Les cours des ive, ve et vie pylônes,
ainsi que la « cour du Moyen Empire », les déambulatoires voisins et l'Akhmenou de
Thoutmosis III ont fait l'objet de sondages ciblés en fonction d'une stratégie de restitution
des constructions en brique crue et d'étude des niveaux de sédimentation inférieurs.
Les résultats obtenus semblent montrer que le premier établissement religieux à Karnak
a été édifié sur une butte et qu'il s'est progressivement développé vers l'ouest en fonction
des migrations du Nil. Il a également été déterminé que le premier temple remonte
assurément à la xie dynastie et ne peut être antérieur.
L'inventaire de la totalité des vestiges en brique crue découverts a fourni les
éléments d'une synthèse sur la mise en séquence et l'interprétation des constructions. Le
temple du Nouvel Empire, tel que nous pouvons aujourd'hui l'admirer, était en fait présent
dans des proportions quasi identiques au Moyen Empire et à la Deuxième période
intermédiaire. Il a repris l'agencement et la disposition de ce dernier, selon des procédés
de pérennité architecturale couramment usités durant l'antiquité. Cet ensemble
architectural religieux, dont il ne reste que d'infimes arases en brique crue, constituait
très vraisemblablement le plus grand sanctuaire d'Égypte durant la première moitié du
deuxième
millénaire avant notre ère.
Guillaume Charloux est ingénieur de recherche
dans l'Umr 8167 Orient et Méditerranée du Cnrs
Romain Mensan est chercheur associé
à l'Umr 5608 Traces du Cnrs