programme thématique lundi 24 juin 2002 1. L’élaboration du récit historiographique N. Grimal « Des notes à l’affichage. Quelques réflexions sur l’élaboration des inscriptions historiques royales ».
Fr. Briquel-Chatonnet « Les guerres araméennes et assyriennes dans les livres des Rois : l’événement et sa place dans l’histoire du salut ».
J.-J. Glassner « L’historien et le devin, entre le discours politique et la science divinatoire, le récit historiographique ».
2. Support, format et contenus G. Veinstein « Chronologies différentielles des titres impériaux selon les supports utilisés. Quelques exemples empruntés à la documentation ottomane ».
Cl. Obsomer « Ramsès II face aux événements de Qadech : pourquoi deux récits officiels différents ? » O. Picard « Numismatique et histoire ».
M. Baud « Des annales royales aux biographies de particuliers dans l’Égypte du IIIe millénaire : la question du format ».
mardi 25 juin 3. Histoire, idéologie monarchique et autobiographie royale P. Briant « Par les mots et par l’image : histoire, autobiographie et idéologie sur la falaise de Behistoun ».
P. Grandet « L’historiographie égyptienne, autobiographie des rois ? » E. Masson « Les Hittites entre réalité historique, équivoque et propagande ».
R. Gozzoli « Les inscriptions royales égyptiennes du premier millénaire av. J.-C. : continuité et changement ».
4. Genres historiques et écritures de l’histoire M. G. Masetti-Rouault « Le motif littéraire de la communication dans les inscriptions royales assyriennes (XIe-VIIe av. J.-C.) ».
M. Hadas-Lebel « Prophétie et histoire » O. Perdu « De la chronique d’Osorkon aux annales héliopolitaines de la Troisième Période intermédiaire ».
J.-M. Carrié « Les chroniques égyptiennes d’époque byzantine : une écriture égyptienne de l’histoire régionale ? ».
A. Rouveret « le rapport récit-image dans l’art italique et romain ».

résumés

M. Baud « Des annales royales aux biographies de particuliers dans l’Égypte du IIIe millénaire : la question du format »

Les seules sources historiques officielles léguées par la monarchie égyptienne du IIIe millénaire sont les annales royales, gravées sur de grandes dalles de pierre. Somme d’événements marquants qui servaient à l’origine à désigner une année, elles présentent une image stéréotypée du monarque à travers les actions qui légitiment la royauté, offrandes aux dieux, érection de monuments, expéditions militaires, etc. Ces grands récapitulatifs, organisés en cases annuelles, adoptent pour celles-ci le format dit de « chancellerie », oò une ligne de titre (présentation du roi-acteur) coiffe une série de colonnes (détail des actions). Ce format est aussi utilisé, très logiquement, pour la présentation d’un événement isolé, comme les graffitis d’expéditions et de tournées royales le démontrent. Sous les IVe et Ve dynasties, ce format est encore adopté pour la narration d’un événement qui a marqué la vie d’un particulier. Inscrit dans la tombe de celui-ci, il constitue un épisode biographique qui met systématiquement le roi en scène. Dans ces récits très vivants, qui tranchent avec l’aridité des annales, le souverain apparaît comme un personnage préoccupé par le sort de son fonctionnaire, auquel il prodigue bons soins et cadeaux. L’usage d’un format de texte si caractéristique de l’annalistique royale montre que, bien loin d’être conçu comme une œuvre purement individuelle à but privé, ce type de biographie représente un autre moyen d’expression de l’histoire officielle. L’autobiographie de particulier agit alors comme une biographie royale par personne interposée, dont le message se révèle parfaitement complémentaire de celui des annales.

P. Briant « Par les mots et par l’image : histoire, autobiographie et idéologie sur la falaise de Behistoun »

Il s’agit de la seule inscription narrative du corpus achéménide, oò Darius raconte, commente et interprète à la première personne ce que les historiens d’aujourd’hui considèrent comme un événement-pivot de l’histoire dynastique et impériale, à savoir l’arrivée au pouvoir de Darius Ier en 522 av. J.-C. Comment l’historien peut-il aborder un tel document, et comment éventuellement le confronter aux récits venus des auteurs grecs ?

Fr. Briquel-Chatonnet « Les guerres araméennes et assyriennes dans les livres des Rois : l’événement et sa place dans l’histoire du salut »

Cette étude serait une réflexion sur le travail de l’historiographie biblique, pour une période oò l’on peut confronter le texte de la Bible à des sources extérieures. En partant des guerres menées par le royaume d’Israël surtout, et celui de Juda, avec le royaume de Damas et l’empire assyrien, je souhaiterais analyser le passage de l’enregistrement des données dans des sources archivistiques à leur mise en place dans un récit ordonné autour de l’importance du rôle de Dieu dans l’histoire, oò les événements prennent un sens dans l’histoire du salut.

J.-J. Glassner « L’historien et le devin, entre le discours politique et la science divinatoire, le récit historiographique »

On étudiera l’apparition de cette nouvelle production littéraire, sous le règne de Naram-Sin d’Akkadé, au XXIIe siècle avant notre ère. Voici longtemps que les rois notent par écrit leurs propres exploits et ceux de leurs ancêtres. Les devins sont consultés avant toute action publique. Dès le moment oò la documentation permet de mieux connaître leurs méthodes, soit le début du IIe millénaire, on les voit préoccupés par les événements du passé qu’ils manipulent selon les règles de leur discipline. Sous le règne de Naram-Sin, à distance des discours politiques et des méthodes des devins, les érudits de l’entourage du roi sont priés de narrer l’histoire du règne et de reconstruire l’histoire de la monarchie.

R. Gozzoli « Egyptian royal inscriptions of the First Millennium BC : Continuity and Change »

Egyptian royal inscriptions give a view of an everlasting kingship through a reenactment of actions. The stability of both country and king were completely dependent on the concept of continuity, the maintenance of codified canons and laws, as well as the royal inscriptions are there to reinforce such concept. Ideological continuity, indeed, leads to repetitions of phraseology, concepts, and phrases. This aspect gives the general patina to the royal inscriptions, however the specific situation on which the pharaoh was acting on does not have to be forgiven. Such specificity of the context may be a potential disruptive element of the continuity, but was usually well-integrated on the general pattern of the royal texts. For the first millennium BC, the element of continuity remains a very strong element, I can point out the exploitation of the past as a proof of it, and the textual forms of the inscriptions present in that span of time are clearly inherited from those of the New Kingdom. However, the pattern of change as centrifugal force becomes more visible, as « innovations » from older trends seem to demonstrate. Old textual features appear integrated in new contexts, older ideological conceptions are reduced since their earlier usage. However, the vexata quaestio for the royal inscriptions is from a taxonomic point of view : what we consider a deviation, a change of a determined group of inscriptions from a presumable Vorlage, was it seen in the same terms by ancient Egyptians ? Did they speculate about a distinction of genres in the royal inscriptions ?

P. Grandet « L’historiographie égyptienne, autobiographie des rois ? »

Si l’Égypte ancienne n’a pas pratiqué l’histoire telle que nous la définissons, elle a pratiqué en revanche en abondance le genre historiographique. Or ce genre entretient, en Égypte, un rapport évident avec la conception de la monarchie. Si les représentations ritualisées de l’histoire sont omniprésentes, elles coexistent, partout oò elles apparaissent, avec d’autres textes et d’autres représentations montrant l’effort personnel et par conséquent méritoire consenti individuellement par chaque monarque pour se conformer à l’archétype royal. Ce n’est plus ici LE roi qui agit mais UN roi, le souverain régnant ou qui a régné à un moment de l’histoire. L’une des plus magnifiques manifestations de cette conception de « l’historiographie » est l’épopée de la Bataille de Qadech, mais la plus achevée est sans conteste le Papyrus Harris I, « histoire » complète d’un règne. Celle-ci, ni objective, ni désintéressée, répond exactement à ce qui était pour les Égyptiens mêmes le mouvement de l’histoire : la part prise par le souverain, son acteur unique, dans le combat pour Maât.
Le caractère personnel du rôle de chaque roi dans ce combat, même décrit de manière conventionnelle, et l’usage constant qui y est fait de la première personne apparentent les textes « historiques égyptiens » à des autobiographies, dont ils reprennent en somme les mêmes thèmes. Dès lors il est possible de considérer que le genre autobiographique ait servi de matrice à cette mise en forme. Cette présomption est corroborée par l’association des textes « historiques » et des représentations qui les complètent aux temples funéraires royaux, oò ils assument, comme dans la chapelle de culte d’un simple particulier, les fonctions de récit autobiographique et de scènes de « vie quotidienne ».

N. Grimal « Des notes à l’affichage. Quelques réflexions sur l’élaboration des inscriptions historiques royales »

Les textes égyptiens royaux à vocation historique font, depuis fort longtemps, l’objet d’études, qui se concentrent essentiellement dans deux directions : l’interprétation politique — la phraséologie — et la recherche historique, tentée à travers ce prisme. La voie de la critique interne, magistralement inaugurée par l’école allemande de l’entre-deux guerres, a permis nombre d’avancées décisives. Au premier rang de celles-ci, la mise en évidence des structures littéraires a conduit à isoler les stéréotypes, ouvrant ainsi la compréhension du codage historiographique.
La structuration du récit éclaire également les procédures d’écriture : des analyses stylistiques désormais classiques ont affiné les catégories que l’on classe d’ordinaire sous la rubrique du « récit militaire » ou « récit royal ». On s’attachera ici à l’étude de la mise en œuvre de ces procédures dans les Annales de Thoutmosis III, de façon à tenter de reconstituer le travail de rédaction, et dans l’intention de mettre en lumière la structuration de l’œuvre.
Car ce document, emblématique du genre pour l’Égypte pharaonique, n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations, à commencer par celles sur sa vraie nature ou sa pertinence historique. Une tentative de classement des techniques et des lieux d’affichage des documents royaux à valeur historiographique, rapporté à leur nature, en particulier dans les temples de Karnak, s’attachera à hiérarchiser cette documentation, sur les plans politique et historique.

M.G. Masetti-Rouault « Le motif littéraire de la communication dans les inscriptions royales assyriennes (XIe-VIIe av. J.-C.) »

Analyse de l’évolution de l’usage du motif de la communication — d’une part les échanges de messages et de messagers, d’autre part les contacts directs (voir et entendre l’autre), sur la construction de la structure narrative des récits historiographiques des inscriptions royales assyriennes. Dès le début de l’époque assyrienne en effet, l’introduction dans le discours narratif des « faits de communication » peut être considérée comme un effort pour créer et exprimer des liens de cause à effet entre événements politiques et militaires différents, essayant ainsi de fournir une explication, une raison, voire une légitimité aux faits exposés. D’autre part, c’est aussi dans les structures narratives constituées par ce motif que la représentation de l’autre par excellence, l’ennemi, a été progressivement élaborée. Dans ce sens, le réseau défini par les « faits de communication » dans l’ensemble de la production historiographique des chancelleries royales assyriennes est représentatif des conceptions idéologiques de la royauté dans ses rapports avec le monde et les autres.

E. Masson « Les Hittites entre réalité historique, équivoque et propagande »

Appréhender les réalités historiques, politiques ou sociales d’une population ancienne à travers les textes plus ou moins complets qu’elle a laissés et qu’elle a écrits sur elle-même est un exercice en soi. Un art d’extrapoler pour essayer de saisir le réel état des choses. Celui qui se niche tant dans la raison d’être d’un document à caractère « historique » qu’entre les lignes des rédactions qui obéissent à une logique qui n’est pas la nôtre et dont le mode d’expression, elliptique, allusif et parfois volontairement allégorique, ne répond pas aux normes qui sont les nôtres, méthodiques et cartésiennes. L’infra-discours y est souvent plus parlant que le discours lui-même. Interroger ces rédactions de notre point de vue risque en conséquence de mener à des voies sans issue ou encore de créer de faux problèmes. L’histoire des Hittites n’échappe pas à ces difficultés. Dans quelles conditions a été fondé leur royaume ? Comment s’est effectuée la fusion avec la population indigène, les Hattis, dont ils ont conquis le territoire et dont ils ont adopté le nom politique ? Quelle a été la personnalité du roi fondateur ? Quelle a été l’évolution de l’État hittite ? Peut-on restituer la lignée des rois ? Les annales royales, susceptibles de constituer la principale source d’informations, sont en réalité des récits très succincts de conquêtes, relatés, il est vrai, année par année. Qualifiés par les Hittites de pesnatar « virilité », virtutes, ils conservent au départ des éléments mythiques. C’est dans les documents créés par la première chancellerie hittite qu’il convient de glaner les concepts de leur monarchie : une série de textes mythico-religieux répercutent l’intronisation du roi. Un édit royal spécifique, les chroniques du palais, les premières lois font apparaître un état précaire des débuts. C’est en procédant à des recoupements entre les textes de catégories très variées qu’on aura les meilleures chances de suivre les Hittites tout au long de leur histoire.

Cl. Obsomer « Ramsès II face aux événements de Qadech : pourquoi deux récits officiels différents ? »

L’événement le plus marquant du règne de Ramsès II est sans conteste la bataille livrée près de Qadech en Chémou III.9 de l’an 5. Pour convaincre ses contemporains et les générations futures de la toute-puissance de leur roi à la pointe du combat, Ramsès a consacré à l’événement des parois entières de plusieurs temples. Une telle débauche d’efforts n’est pas sans susciter des questions, puisque la campagne de l’an 5 fut un échec : la correspondance échangée plus tard avec Hattousili III indique en effet clairement que l’armée hittite profita de la retraite égyptienne pour annexer le pays Oupé, au sud de Qadech. Le grand texte officiel décrivant la campagne, le « Poème », passe sous silence ce qui pourrait ternir la gloire de Ramsès, tout en amplifiant l’éclat de la victoire remportée sur la charrerie hittite en Chémou III.9.
À côté du « Poème », un second texte officiel, plus court, a été publié : le « Bulletin ». L’existence parallèle des deux textes a été expliquée diversement par les commentateurs. Pour les uns, le « Bulletin » serait un rapport militaire précis au niveau stratégique, le « Poème » étant un texte de propagande. Pour d’autres, le « Bulletin », contrairement au « Poème », aurait été composé par une personne de l’entourage royal. En réalité, rien ne permet d’opposer les deux textes au niveau formel, et il s’avère que le « Bulletin » est parfois moins précis que le « Poème » sur le plan militaire. Il est possible de montrer que le « Bulletin » est en fait, comme le « Poème », un texte rédigé à des fins idéologiques : il vise à expliquer en quoi l’omniscience royale a pu être — mais seulement temporairement — prise en défaut. Replacé dans le contexte de la rédaction, il pourrait être le moyen officiel par lequel Ramsès, après la publication du « Poème » vantant son omnipotence, justifiait le manque de clairvoyance qui avait caractérisé la marche vers Qadech, raison probable de l’échec de la campagne.

G. Veinstein « Chronologies différentielles des titres impériaux selon les supports utilisés. Quelques exemples empruntés à la documentation ottomane »

Il s’agit de montrer que des mêmes titres utilisés par les sultans ottomans n’apparaissent pas aux mêmes époques selon qu’on a à faire à des monogrammes impériaux, des monnaies, des inscriptions monumentales ou des actes sur papier.

 
programme thematique lundi 24 juin 2002 1. l'elaboration du recit historiographique n. grimal "des notes a l'affichage. quelques reflexions sur l'elaboration des inscriptions historiques royales".
fr. briquel-chatonnet "les guerres arameennes et assyriennes dans les livres des rois: l'evenement et sa place dans l'histoire du salut".
j.-j. glassner "l'historien et le devin, entre le discours politique et la science divinatoire, le recit historiographique".
2. support, format et contenus g. veinstein "chronologies differentielles des titres imperiaux selon les supports utilises. quelques exemples empruntes a la documentation ottomane".
cl. obsomer "ramses ii face aux evenements de qadech: pourquoi deux recits officiels differents?" o. picard "numismatique et histoire".
m. baud "des annales royales aux biographies de particuliers dans l'egypte du iiie millenaire: la question du format".
mardi 25 juin 3. histoire, ideologie monarchique et autobiographie royale p. briant "par les mots et par l'image: histoire, autobiographie et ideologie sur la falaise de behistoun".
p. grandet "l'historiographie egyptienne, autobiographie des rois?" e. masson "les hittites entre realite historique, equivoque et propagande".
r. gozzoli "les inscriptions royales egyptiennes du premier millenaire av. j.-c.: continuite et changement".
4. genres historiques et ecritures de l'histoire m. g. masetti-rouault "le motif litteraire de la communication dans les inscriptions royales assyriennes (xie-viie av. j.-c.)".
m. hadas-lebel "prophetie et histoire" o. perdu "de la chronique d'osorkon aux annales heliopolitaines de la troisieme periode intermediaire".
j.-m. carrie "les chroniques egyptiennes d'epoque byzantine: une ecriture egyptienne de l'histoire regionale?".
a. rouveret "le rapport recit-image dans l'art italique et romain".

resumes

m. baud "des annales royales aux biographies de particuliers dans l'egypte du iiie millenaire: la question du format"

les seules sources historiques officielles leguees par la monarchie egyptienne du iiie millenaire sont les annales royales, gravees sur de grandes dalles de pierre. somme d'evenements marquants qui servaient a l'origine a designer une annee, elles presentent une image stereotypee du monarque a travers les actions qui legitiment la royaute, offrandes aux dieux, erection de monuments, expeditions militaires, etc. ces grands recapitulatifs, organises en cases annuelles, adoptent pour celles-ci le format dit de "chancellerie", ou une ligne de titre (presentation du roi-acteur) coiffe une serie de colonnes (detail des actions). ce format est aussi utilise, tres logiquement, pour la presentation d'un evenement isole, comme les graffitis d'expeditions et de tournees royales le demontrent. sous les ive et ve dynasties, ce format est encore adopte pour la narration d'un evenement qui a marque la vie d'un particulier. inscrit dans la tombe de celui-ci, il constitue un episode biographique qui met systematiquement le roi en scene. dans ces recits tres vivants, qui tranchent avec l'aridite des annales, le souverain apparait comme un personnage preoccupe par le sort de son fonctionnaire, auquel il prodigue bons soins et cadeaux. l'usage d'un format de texte si caracteristique de l'annalistique royale montre que, bien loin d'etre concu comme une oeuvre purement individuelle a but prive, ce type de biographie represente un autre moyen d'expression de l'histoire officielle. l'autobiographie de particulier agit alors comme une biographie royale par personne interposee, dont le message se revele parfaitement complementaire de celui des annales.
p. briant "par les mots et par l'image: histoire, autobiographie et ideologie sur la falaise de behistoun"

il s'agit de la seule inscription narrative du corpus achemenide, ou darius raconte, commente et interprete a la premiere personne ce que les historiens d'aujourd'hui considerent comme un evenement-pivot de l'histoire dynastique et imperiale, a savoir l'arrivee au pouvoir de darius ier en 522 av. j.-c. comment l'historien peut-il aborder un tel document, et comment eventuellement le confronter aux recits venus des auteurs grecs?

fr. briquel-chatonnet "les guerres arameennes et assyriennes dans les livres des rois: l'evenement et sa place dans l'histoire du salut"

cette etude serait une reflexion sur le travail de l'historiographie biblique, pour une periode ou l'on peut confronter le texte de la bible a des sources exterieures. en partant des guerres menees par le royaume d'israel surtout, et celui de juda, avec le royaume de damas et l'empire assyrien, je souhaiterais analyser le passage de l'enregistrement des donnees dans des sources archivistiques a leur mise en place dans un recit ordonne autour de l'importance du role de dieu dans l'histoire, ou les evenements prennent un sens dans l'histoire du salut.

j.-j. glassner "l'historien et le devin, entre le discours politique et la science divinatoire, le recit historiographique"

on etudiera l'apparition de cette nouvelle production litteraire, sous le regne de naram-sin d'akkade, au xxiie siecle avant notre ere. voici longtemps que les rois notent par ecrit leurs propres exploits et ceux de leurs ancetres. les devins sont consultes avant toute action publique. des le moment ou la documentation permet de mieux connaitre leurs methodes, soit le debut du iie millenaire, on les voit preoccupes par les evenements du passe qu'ils manipulent selon les regles de leur discipline. sous le regne de naram-sin, a distance des discours politiques et des methodes des devins, les erudits de l'entourage du roi sont pries de narrer l'histoire du regne et de reconstruire l'histoire de la monarchie.
r. gozzoli "egyptian royal inscriptions of the first millennium bc: continuity and change"

egyptian royal inscriptions give a view of an everlasting kingship through a reenactment of actions. the stability of both country and king were completely dependent on the concept of continuity, the maintenance of codified canons and laws, as well as the royal inscriptions are there to reinforce such concept. ideological continuity, indeed, leads to repetitions of phraseology, concepts, and phrases. this aspect gives the general patina to the royal inscriptions, however the specific situation on which the pharaoh was acting on does not have to be forgiven. such specificity of the context may be a potential disruptive element of the continuity, but was usually well-integrated on the general pattern of the royal texts. for the first millennium bc, the element of continuity remains a very strong element, i can point out the exploitation of the past as a proof of it, and the textual forms of the inscriptions present in that span of time are clearly inherited from those of the new kingdom. however, the pattern of change as centrifugal force becomes more visible, as "innovations" from older trends seem to demonstrate. old textual features appear integrated in new contexts, older ideological conceptions are reduced since their earlier usage. however, the vexata quaestio for the royal inscriptions is from a taxonomic point of view: what we consider a deviation, a change of a determined group of inscriptions from a presumable vorlage, was it seen in the same terms by ancient egyptians? did they speculate about a distinction of genres in the royal inscriptions?

p. grandet "l'historiographie egyptienne, autobiographie des rois?"

si l'egypte ancienne n'a pas pratique l'histoire telle que nous la definissons, elle a pratique en revanche en abondance le genre historiographique. or ce genre entretient, en egypte, un rapport evident avec la conception de la monarchie. si les representations ritualisees de l'histoire sont omnipresentes, elles coexistent, partout ou elles apparaissent, avec d'autres textes et d'autres representations montrant l'effort personnel et par consequent meritoire consenti individuellement par chaque monarque pour se conformer a l'archetype royal. ce n'est plus ici le roi qui agit mais un roi, le souverain regnant ou qui a regne a un moment de l'histoire. l'une des plus magnifiques manifestations de cette conception de "l'historiographie" est l'epopee de la bataille de qadech, mais la plus achevee est sans conteste le papyrus harris i, "histoire" complete d'un regne. celle-ci, ni objective, ni desinteressee, repond exactement a ce qui etait pour les egyptiens memes le mouvement de l'histoire: la part prise par le souverain, son acteur unique, dans le combat pour maat.
le caractere personnel du role de chaque roi dans ce combat, meme decrit de maniere conventionnelle, et l'usage constant qui y est fait de la premiere personne apparentent les textes "historiques egyptiens" a des autobiographies, dont ils reprennent en somme les memes themes. des lors il est possible de considerer que le genre autobiographique ait servi de matrice a cette mise en forme. cette presomption est corroboree par l'association des textes "historiques" et des representations qui les completent aux temples funeraires royaux, ou ils assument, comme dans la chapelle de culte d'un simple particulier, les fonctions de recit autobiographique et de scenes de "vie quotidienne".

n. grimal "des notes a l'affichage. quelques reflexions sur l'elaboration des inscriptions historiques royales"

les textes egyptiens royaux a vocation historique font, depuis fort longtemps, l'objet d'etudes, qui se concentrent essentiellement dans deux directions: l'interpretation politique - la phraseologie - et la recherche historique, tentee a travers ce prisme. la voie de la critique interne, magistralement inauguree par l'ecole allemande de l'entre-deux guerres, a permis nombre d'avancees decisives. au premier rang de celles-ci, la mise en evidence des structures litteraires a conduit a isoler les stereotypes, ouvrant ainsi la comprehension du codage historiographique.
la structuration du recit eclaire egalement les procedures d'ecriture: des analyses stylistiques desormais classiques ont affine les categories que l'on classe d'ordinaire sous la rubrique du "recit militaire" ou "recit royal". on s'attachera ici a l'etude de la mise en oeuvre de ces procedures dans les annales de thoutmosis iii, de facon a tenter de reconstituer le travail de redaction, et dans l'intention de mettre en lumiere la structuration de l'oeuvre.
car ce document, emblematique du genre pour l'egypte pharaonique, n'est pas sans soulever de nombreuses interrogations, a commencer par celles sur sa vraie nature ou sa pertinence historique. une tentative de classement des techniques et des lieux d'affichage des documents royaux a valeur historiographique, rapporte a leur nature, en particulier dans les temples de karnak, s'attachera a hierarchiser cette documentation, sur les plans politique et historique.

m.g. masetti-rouault "le motif litteraire de la communication dans les inscriptions royales assyriennes (xie-viie av. j.-c.)"

analyse de l'evolution de l'usage du motif de la communication - d'une part les echanges de messages et de messagers, d'autre part les contacts directs (voir et entendre l'autre), sur la construction de la structure narrative des recits historiographiques des inscriptions royales assyriennes. des le debut de l'epoque assyrienne en effet, l'introduction dans le discours narratif des "faits de communication" peut etre consideree comme un effort pour creer et exprimer des liens de cause a effet entre evenements politiques et militaires differents, essayant ainsi de fournir une explication, une raison, voire une legitimite aux faits exposes. d'autre part, c'est aussi dans les structures narratives constituees par ce motif que la representation de l'autre par excellence, l'ennemi, a ete progressivement elaboree. dans ce sens, le reseau defini par les "faits de communication" dans l'ensemble de la production historiographique des chancelleries royales assyriennes est representatif des conceptions ideologiques de la royaute dans ses rapports avec le monde et les autres.

e. masson "les hittites entre realite historique, equivoque et propagande"

apprehender les realites historiques, politiques ou sociales d'une population ancienne a travers les textes plus ou moins complets qu'elle a laisses et qu'elle a ecrits sur elle-meme est un exercice en soi. un art d'extrapoler pour essayer de saisir le reel etat des choses. celui qui se niche tant dans la raison d'etre d'un document a caractere "historique" qu'entre les lignes des redactions qui obeissent a une logique qui n'est pas la notre et dont le mode d'expression, elliptique, allusif et parfois volontairement allegorique, ne repond pas aux normes qui sont les notres, methodiques et cartesiennes. l'infra-discours y est souvent plus parlant que le discours lui-meme. interroger ces redactions de notre point de vue risque en consequence de mener a des voies sans issue ou encore de creer de faux problemes. l'histoire des hittites n'echappe pas a ces difficultes. dans quelles conditions a ete fonde leur royaume? comment s'est effectuee la fusion avec la population indigene, les hattis, dont ils ont conquis le territoire et dont ils ont adopte le nom politique? quelle a ete la personnalite du roi fondateur? quelle a ete l'evolution de l'etat hittite? peut-on restituer la lignee des rois? les annales royales, susceptibles de constituer la principale source d'informations, sont en realite des recits tres succincts de conquetes, relates, il est vrai, annee par annee. qualifies par les hittites de pesnatar "virilite", virtutes, ils conservent au depart des elements mythiques. c'est dans les documents crees par la premiere chancellerie hittite qu'il convient de glaner les concepts de leur monarchie: une serie de textes mythico-religieux repercutent l'intronisation du roi. un edit royal specifique, les chroniques du palais, les premieres lois font apparaitre un etat precaire des debuts. c'est en procedant a des recoupements entre les textes de categories tres variees qu'on aura les meilleures chances de suivre les hittites tout au long de leur histoire.
cl. obsomer "ramses ii face aux evenements de qadech: pourquoi deux recits officiels differents?"

l'evenement le plus marquant du regne de ramses ii est sans conteste la bataille livree pres de qadech en chemou iii.9 de l'an 5. pour convaincre ses contemporains et les generations futures de la toute-puissance de leur roi a la pointe du combat, ramses a consacre a l'evenement des parois entieres de plusieurs temples. une telle debauche d'efforts n'est pas sans susciter des questions, puisque la campagne de l'an 5 fut un echec: la correspondance echangee plus tard avec hattousili iii indique en effet clairement que l'armee hittite profita de la retraite egyptienne pour annexer le pays oupe, au sud de qadech. le grand texte officiel decrivant la campagne, le "poeme", passe sous silence ce qui pourrait ternir la gloire de ramses, tout en amplifiant l'eclat de la victoire remportee sur la charrerie hittite en chemou iii.9.
a cote du "poeme", un second texte officiel, plus court, a ete publie: le "bulletin". l'existence parallele des deux textes a ete expliquee diversement par les commentateurs. pour les uns, le "bulletin" serait un rapport militaire precis au niveau strategique, le "poeme" etant un texte de propagande. pour d'autres, le "bulletin", contrairement au "poeme", aurait ete compose par une personne de l'entourage royal. en realite, rien ne permet d'opposer les deux textes au niveau formel, et il s'avere que le "bulletin" est parfois moins precis que le "poeme" sur le plan militaire. il est possible de montrer que le "bulletin" est en fait, comme le "poeme", un texte redige a des fins ideologiques: il vise a expliquer en quoi l'omniscience royale a pu etre - mais seulement temporairement - prise en defaut. replace dans le contexte de la redaction, il pourrait etre le moyen officiel par lequel ramses, apres la publication du "poeme" vantant son omnipotence, justifiait le manque de clairvoyance qui avait caracterise la marche vers qadech, raison probable de l'echec de la campagne.
g. veinstein "chronologies differentielles des titres imperiaux selon les supports utilises. quelques exemples empruntes a la documentation ottomane"

il s'agit de montrer que des memes titres utilises par les sultans ottomans n'apparaissent pas aux memes epoques selon qu'on a a faire a des monogrammes imperiaux, des monnaies, des inscriptions monumentales ou des actes sur papier.