La chronique archéologique des Orientalia

Il y a soixante ans, Jean Leclant donnait la première livraison de sa chronique archéologique dans la rubrique Nuntii personarum et rerum des Orientalia, sous le titre « Compte rendu des fouilles et travaux menés en Égypte ». La coupure de la seconde guerre mondiale se refermait et l’activité archéologique connaissait un renouveau que les premiers temps du nassérisme n’allaient, hélas ! pas tarder à mettre à nouveau en sommeil, jusqu’à ce que le sauvetage des monuments de Nubie relance la coopération internationale sur les rives du Nil. La chronique, elle, n’a pas failli à rendre compte, année après année, de la recherche archéologique, figeant son titre, après quelques brèves hésitations, en « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan ».

En 1985, Gisèle Clerc s’associa à Jean Leclant, puis, de 1998 à 2001, Anne Minault-Gout. En 2003, j’ai pris la suite, avec l’aide d’Emad Adly ; Alain Arnaudiès nous a rejoints en 2006. Parallèlement à la préparation du rapport annuel des Orientalia, nous poursuivons, Emad Adly et moi–même, la publication du Bulletin d’Information archéologique, que nous avons créé, il y a maintenant plus de vingt ans, reprenant le flambeau que m’avait alors transmis la regrettée Carla Burri, qui avait rédigé pendant 17 ans son précieux Bollettino di informazione, dont le BIA a repris le nom, en témoignage de gratitude.

Le propos des deux entreprises est, au moins à l’origine, très proche. Le Bolletino visait à faire circuler l’information dans la communauté des archéologues et chercheurs travaillant en Égypte ; la chronique des Orientalia donne, elle, une information plus technique, fondée sur les rapports transmis par les acteurs de la recherche, augmentés d’une collecte bibliographique. Le BIA a élargi la revue de presse, la classant par thèmes et l’indexant, reposant ainsi  sur un travail éditorial plus soutenu.

Entre ces deux niveaux se situent les rapports fournis par les institutions travaillant, dans le domaine de l’archéologie essentiellement, mais pas seulement, en Égypte et au Soudan. Ce niveau intermédiaire est celui qui a le plus bénéficié ces dernières années des possibilités accrues de communication et de diffusion qu’offre la toile : aujourd’hui, non seulement les grands instituts, mais, pratiquement, chaque mission « poste » en ligne un rapport, le plus souvent sur le site de l’institution dont elle relève, mais aussi sur des sites dédiés, voire des forums de discussion.

Tout un chacun est à même de comprendre et d’apprécier la large diffusion de l’information ainsi  assurée, mais le prix à payer est une fragmentation et une dispersion, que vient encore compliquer la volatilité des liens, susceptibles de disparaître tout aussi rapidement qu’ils sont apparus. De grandes institutions, comme l’Oriental Institute de Chicago ou l’université de Cambridge, rejoints depuis peu par le  forum de Charles Elwood Jones, ont entrepris de fédérer, essentiellement par une veille constante, les données qui ne cessent d’affluer.

Il nous est apparu que ce contexte, totalement différent de celui dans lequel la chronique des Orientalia est née, il y a soixante ans, rendait nécessaire une adaptation, dont nous avons déjà fait le choix pour le BIA, il y a plusieurs années, puisque la chronique est en ligne sur les sites des deux institutions partenaires : sous forme de veille à l’Institut français d’archéologie orientale, par synthèses semestrielles au Collège de France.

La chronique des « Fouilles et travaux en Égypte et au Soudan » est publiée annuellement par l’Institut pontifical de Rome, dans une revue qui est diffusée uniquement sur support papier. Il ne saurait être question de remettre en cause ce mode de publication, qui assure la pérennité des rapports, grâce aux bibliothèques spécialisées qui les conservent.

D’un autre côté, les livraisons les plus anciennes de la chronique sont depuis longtemps épuisées : lorsque nous avons procédé à son récolement au Collège de France, nous avons dû faire appel au fonds généreusement donné par Jean Leclant au Cabinet d’égyptologie pour compléter la collection.

Déjà attentifs à la présentation numérique de données, instruits par une première expérience de publication combinant livre traditionnel et dématérialisation, nous avons voulu regrouper l’ensemble des chroniques depuis sa création — à l’exception des deux dernières années, afin de préserver la diffusion de la revue qui héberge la chronique — en utilisant un support facilement consultable et suffisamment interactif pour pouvoir venir en complément des ressources numériques en ligne évoquées plus haut. Au-delà de la mise à disposition de la communauté scientifique d’un outil utile à tous, nous souhaitons ainsi, à la fois rendre hommage aux collègues qui ont contribué, année après année, à la constitution de ce corpus unique en son genre, et ouvrir encore plus largement ce qui est devenu un bien commun de l’égyptologie internationale. Dès lors, le modèle qui s’imposait était celui du système d’information géographique.

Alain Arnaudiès a mené à bien le long et patient travail d’organisation et d’indexation des ressources contenues dans les milliers de pages numérisées à partir de la chronique originale, puis du positionnement GPS des sites archéologiques ; Éric Aubourg a assuré le développement du site, sur une mise en forme graphique réalisée par Olivier Cabon et Thierry Sarfis, et effectué le lien avec le fond cartographique mis par Google à la disposition de la communauté internationale ; Emad Adly, enfin, a travaillé, avec Alain Arnaudiès, à l’unification des toponymes en langue arabe. Ce dernier a résumé dans une notice, présentée ci-après, le cahier technique des charges et les solutions apportées.

Nicolas Grimal